Conception directrice cantonale de la protection de la nature

Le 20 septembre 2002, je déposais la question suivante :

 

La Loi cantonale sur la protection de la nature date du 22 juin 1994.

 

A son article 13, il est spécifié :

 

  1. Dans le cadre de la présente loi, le Conseil d’Etat définit la politique cantonale de protection de la nature. A cet effet, il :

 

    1. évalue la situation actuelle
    2. élabore une conception directrice, qui lie l’autorité cantonale après avoir été approuvée par le Grand Conseil ;
    3. arrête les dispositions d’application nécessaires.

 

Or, jusqu’à ce jour, le Grand Conseil n’a toujours pas eu l’occasion d’approuver la conception directrice de la protection de la nature. L’évaluation de la situation actuelle n’a pas été faite et la conception directrice est restée lettre morte. Huit ans paraissent pourtant largement suffisants pour élaborer de tels documents. Le Conseil d’Etat pense-t-il appliquer enfin ces dispositions de la loi sur la protection de la nature et fournir rapidement au Grand Conseil les éléments précités ?

 

Dans sa réponse du 2 octobre 2002, M. Pierre Hirschy reconnaissait cette obligation légale et estimait que la conception directrice de la protection de la nature avait bien avancé et qu’elle serait bientôt présentée au Grand Conseil. Or nous sommes en mars 2004 et nous n’avons toujours pas vu cette conception. Nous constatons que les obligations fixées par la loi ne sont pas remplies. Nous rappelons au Conseil d’Etat qu’en l’absence d’une politique de la protection de la nature, de nombreux biotopes ne jouissent pas de la protection qu’ils devraient avoir. Certains dégâts aux milieux et aux espèces qu’ils abritent pourraient être irrémédiables.

 

Je demande que la conception directrice de la protection de la nature soit présentée au Grand Conseil.

 

Gisèle Ory

 

 

 

 

 

 

 

Développement

 

La conception directrice de la protection de la nature est un outil très important pour le pilotage de la gestion des milieux naturels. C’est la raison pour laquelle j’insiste pour que cet outil, que la loi nous offre, soit utilisé et pour que la loi soit appliquée.

 

La loi cantonale sur la protection de la nature était très novatrice au  moment où elle a été élaborée. Le groupe de travail, qui a planché sur ce sujet, avec trois conseillers d’Etat consécutifs, c’est dire si le sujet a été soigneusement pensé et chaque mot pesé, a voulu tenir compte des nouvelles méthodes de travail, qui se fondaient sur une vision globale de la gestion de l’environnement.

 

Il a d’abord introduit la notion plus moderne et plus dynamique de « conservation de la nature », plutôt que protection, « conservation »,  parce que cela implique aussi une action en vue du maintien et de la gestion des milieux naturels. On a clairement voulu être actif et ne pas se contenter de laisser les choses aller, sans s’en préoccuper. Nous savions déjà à ce moment-là que les milieux naturels sont souvent trop perturbés pour pouvoir se maintenir sans intervention humaine. Pour gérer intelligemment, pour intervenir à bon escient, ni trop, ni trop peu, au bon endroit et au bon moment, il faut une politique cantonale globale de la nature.

 

Cette politique doit s’appuyer sur trois piliers :

 

  1. Une connaissance approfondie de la nature neuchâteloise : il faut rassembler toutes les données que nous avons sur l’état de la nature neuchâteloise. Inventaires des paysages, des milieux intéressants, tourbières,  bas marais, biotopes, haies et bosquets, prairies maigres, lieux de reproduction des batraciens, places de parade du grand tétras, objets géologiques, etc. Dans ce domaine, nous avons déjà beaucoup de choses. De nombreuses études ont été réalisées et notre connaissance de la nature neuchâteloise est assez bonne. Le travail qui reste à faire, est plutôt un travail de synthèse, qui consiste à réunir toutes ces données et à en faire l’analyse critique. Il faut aussi évaluer dans quel domaine nous manquons éventuellement de données et commander les études complémentaires nécessaires. Ce travail est à réaliser par l’Office de conservation de la nature. Il avait commencé à faire cela il y a déjà plusieurs années. J’ai moi-même fait partie d’un groupe de travail à ce sujet, mais cette étude est restée bloquée sans raison.
  2. Deuxièmement, nous devons déterminer ce que nous voulons faire à l’avenir pour conserver les milieux les plus intéressants. Quels sont les paysages et les biotopes que nous voulons sauvegarder, quels sont ceux qui doivent être revitalisés, quels sont ceux qui doivent être protégés par des mesures particulières, ou qui doivent être entretenus régulièrement. A qui voulons-nous confier ces tâches ? Sont-elles à réaliser par le canton, par des privés, sur mandat de prestations ? Dans quels délais voulons-nous les réaliser ? Qu’est-ce qui est le plus urgent, qu’est-ce qui peut attendre ? Des priorités doivent être fixées, le financement assuré  pour l’exécution.
  3. Des mesures concrètes doivent être définies pour la sauvegarde, la revitalisation et l’entretien des divers milieux analysés précédemment. J’attends un catalogue de mesures sous forme de fiches de travail, qui définit ce qui doit être entrepris pour la conservation de chaque milieu.

 

Ces trois piliers forment ensemble la conception directrice de la protection de la nature.

 

Voilà ce qui était la volonté du législateur en son temps. Tout cela aurait permis un travail prospectif sur la nature neuchâteloise. Cela aurait permis au Grand Conseil de se prononcer sur la politique de la nature qu’il entendait mener. Cela n’aurait pas forcément coûté très cher, mais ça aurait en tout cas introduit une cohérence, car nous aurions eu une vue complète, globale des éléments naturels de notre canton, de leur état et des mesures concrètes nécessaires à leur maintien ou à leur amélioration.

 

Or cette loi a été votée le 22 juin 1994. Cela fait 10 ans et cette conception directrice n’a toujours pas été présentée au Grand Conseil. Certains s’en rappellent peut-être, mais j’ai déjà déposé une question à ce sujet il y a deux ans. Pierre Hirschy avait répondu que cette conception directrice nous serait bientôt présentée. Cela n’a toujours pas été fait. Je considère qu’il y a là un grave défaut d’application de la loi cantonale, car cette disposition est une des bases de cette loi cantonale, un des éléments les plus importants. On peut parler de disfonctionnement du département de la gestion du territoire, qui n’a pas été à même de remplir, en dix ans, le mandat qui lui avait été octroyé par le législateur.

 

Je regrette vivement cet état de fait. Je regrette que notre canton soit privé d’un instrument de pilotage politique novateur, en matière de sauvegarde de la nature. Je regrette d’une manière générale que le département de la gestion du territoire ne se préoccupe pas davantage d’un sujet qui est de sa responsabilité et laisse aller les choses de telle manière que certains éléments de la nature neuchâteloise sont mis sérieusement en danger. Nous pouvons parler du grand tétras, pour lequel les mesures nécessaires ne sont toujours pas prises. Nous pouvons parler des tourbières, pour lesquelles les zones tampons ne sont pas encore toutes constituées, malgré un jugement du tribunal fédéral, qui oblige le canton à définir des zones tampon.

 

J’interpelle ici le Conseil d’Etat pour qu’il se préoccupe de cette situation,  accorde à cet instrument politique prévu par la LCPN l’importance qu’il doit avoir et fasse cet effort de réflexion en matière de sauvegarde de la nature neuchâteloise.

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